« Je n’ai pas la moindre idée de ce qu’une notice biographique doit signifier de moi, de ce qu’elle doit retenir ou écarter. Je sais qu’étrangement elle doit être infiniment reprise ce qui, toujours, m’empêche de la commencer. Je suis pourtant censé m’y plier et trouver ça léger comme une formalité. Je ne suis même pas sûr qu’il existe des formalités légères, l’écriture d’une notice biographique moins encore que n’importe quelle autre.
J’ouvre invariablement en écrivant ma date de naissance puis je m’y soustrais : de quelque côté que je prenne l’affaire, c’est un non renseignement. C’est le premier d’une chaîne de repères qui, à peine inventoriés, s’abolissent également en non-renseignements. Comme un livre isolé de celui qui l’a rendu nécessaire et de celui qui, un jour, l’a balayé. Je devrais aimer la notice biographique au moins en tant qu’elle ne prétend pas avoir, elle, de lecteur particulier. Elle ne s’adresse à personne, elle bégaie une position ; une position à partir de laquelle, quoiqu’on fasse pour tirer ce premier point vers la ligne d’un portrait, elle l’entraîne vers le flou des spectres dans le meilleur des cas, vers le singe social dans le pire. On n’attend pas d’elle qu’elle dise quoique ce soit mais que, par elle, soit constaté qu’un événement a une raison fondée de se dérouler, qu’un objet a une raison historique d’être produit ; elle assure que l’on ne perd pas son temps devant un événement sans histoire, devant une créature complètement insignifiante : peu sûr de cette signifiance au fond, l’éditeur, le galiériste, l’organisateur de festival, pourra lui-aussi y trouver une archéologie rassurante et en partager les bienfaits. Mais comment naître, alors, si l’on attend de vous que vous soyez déjà né mille fois? Mystère…
On m’a si souvent demandé des notices biographiques, pour le moindre petit festival, la moindre participation à un collectif, que c’est au bout du compte la chose qu’on aura le plus lu de tout ce que j’aurai pu écrire.
En poursuivre la logique si efficace devrait finalement me conduire à ne brosser que quelques lignes de projet pour chacun de mes livres, et à ne jamais les réaliser vraiment pour me consacrer entièrement à ma notice biographique. »
L.L. de Mars vie et travaille à Rennes. Son travail oscille entre ses activités en tant qu’artiste plastique et l’écriture des articles et des contes. Il a fondé sa propre maison d’édition K’de M en 1990.
LL de Mars sur le web : http://www.le-terrier.net/
http://www.bedetheque.com
Ses dernières publications
Une brève et longue histoire du monde Délicates, 2011
Dialogues de morts à propos de musique Scutella, 2011
Les cloches de Rome, avec E. & J. LeGlatin Bicéphale, 2012
L’oeil de mon voisin avec E. & J. LeGlatin Bicéphale, 2012
Quadrature du champ avec Docteur C Bicéphale, 2012
Les misères et les malheur de la guerre avec Laurent Grisel Ion, 2012
Farnesina, avec C. de Trogoff La Presse Purée,2015
Pingouins (édition augmentée des deux volumes [Treize étrange] de 1996) Tanibis, 2015
Éperdus Bicéphale, 2015
Le Secret La cinquième couche, 2015
Vies de la mort The Hoochie Coochie, 2015
Jack Kirby walked through broken porticoes Adverse, 2016
Sous les bombes sans la guerre Tanibis, 2016